On désigne par "Code paysan" un ensemble de textes dans lesquels les paysans on écrit leurs doléances. Ces codes paysans sont bien écrits, en français, d'une manière assez juridique.

Les revendications prennent racines dans l'accumulation des devoirs et taxes auxquels les paysans doivent faire face. Notamment depuis la création par Colbert de douze nouvelles taxes entre 1664 et 1675. Les paysans reconnaissent toujours comme principale autorité les Etats de Bretagne qui n'ont pas validé ces taxes. Elles en sont alors d'autant plus rejetées. Colbert, le ministre des finances de Louis XIV, a en effet décidé d'imposer les taxes malgré les prérogatives des Etats de Bretagne qui doivent les valider avant leur application..
Une taxe non encore établie fait peur en Bretagne : La gabelle. Le Duc de Chaulnes, gouverneur de Bretagne, représentant du roi, explique à Colbert que les paysans s’émouvaient de la rumeur d’une nouvelle imposition sur le blé et sur le sel (gabelle)… Ecrasés par les impôts féodaux, la révolte se déclanche dans les villes et dans les campagnes au son de « Vive le Roi sans gabelle et sans édits »


Volonté législative et réformatrice

Les revendications des Bonnets rouges, tout autant antifiscales que politiques, sont exprimées par huit textes appelés Code paysan ou « code pesovat » (ar pezh zo vat : ce qui est bon) qui montrent une volonté législative et réformatrice du mouvement des Bonnets rouges.
Ces codes sont bien écrits non pas en breton mais en francais et selon une forme juridique. (On sait que certains meneurs, dont Le Balp, ont étudié le droit)...

Parmi les revendications ont notes :

  • l’abolition des impôts de champart (partage des récoltes) et de corvée9,
  • la fin des exactions des seigneurs10
  • l'affirmation de la Liberté Armorique : c'est ainsi que les Bretons de l'époque appelaient leurs privilèges en vertu du traité d'union de la Bretagne à la France
  • le juste paiement du clergé (qui ne devra être "payé pour leurs services, et seulement pour cela")9
  • la représentation réelle dans les états provinciaux10,
  • l'égalité et l'abolissement des classes…9
Un des codes paysans retrouvé dépeint l'idéal des paysans avec un mélange de naiveté, d'humour et de bon sens. Voici le texte qui sera explicité prochainement:

Règlement fait par les nobles habitants des quatorze paroisses unies du pays armorique situé depuis Douarnenez jusqu'à Concarneau, pour être observé inviolablement entre eux jusqu'à la Saint-Michel prochaine, sous peine de torr-e-benn (casse-lui la tête).

1) Que les dites quatorze paroisses unies ensemble pour la liberté de la province députeront six des plus notables de leurs paroisses aux Etats prochains pour déduire les raisons de leur soulèvement, lesquels seront défrayés aux dépens de leurs communautés, qui leur fourniront à chacun un bonnet et camisole rouges, un haut-de-chausses avec la veste et l'équipage convenable à leur qualité ;

2) Que les habitants des quatorze paroisses mettront les armes bas et cesseront tout acte d'autorité jusques au dit temps de la Saint-Michel, par une grâce spéciale qu'ils feront aux gentilshommes, qu'ils feront sommer de retourner dans leurs maisons de campagne au plus tôt, faute de quoi ils seront déchus de la dite grâce ;

3) Que la défense soit faite de sonner le tocsin et de faire assemblée d'hommes armés sans le consentement universel de la dite union à peine aux délinquants d'être pendus aux clochers ;

4) Que les droits de champart et corvée prétendus par les dits gentilshommes seront abolis comme une violation de la liberté armorique;

5) Que pour confirmer la paix et la concorde entre les gentilshommes et nobles habitants des dites paroisses, il se fera des mariages entre eux, à condition que les filles nobles choisiront leurs maris de condition commune qu'elles anobliront et leur postérité qui partagera également entre eux les biens de leurs successions ;

6) II est défendu, à peine d'être passé par la fourche, de donner retraite à la gabelle et à ses commis et de leur fournir ni à manger ni aucune commodité : mais au contraire de tirer sur elle comme sur un chien enragé ;

7) Qu'il ne se lèvera pour tout droit que cent sols par barrique de vin horret (récolté hors du pays) et un écu pour celui du cru de la province, à condition que les hôtes et cabaretiers ne pourront vendre l'un que cinq sols et l'autre trois sols la pinte ;

8) Que l'argent des fouages anciens sera employé pour acheter du tabac qui sera distribué avec le pain bénit aux messes paroissiales pour la satisfaction des paroissiens ;

9) Que les recteurs, curés et prêtres seront gagés pour le service de leurs paroissiens, sans qu'ils puissent prétendre aucun droit de dime novale, ni autre salaire pour toutes leurs questions curiales ;

10) Que la justice sera exercée par des gens capables choisis par les nobles habitants qui seront gagés avec leurs greffiers, sans qu'ils puissent prétendre rien des parties pour leurs vacations sous peine de punition; et que le papier timbré sera en exécration à eux et à leur postérité, pour ce que tous les actes qui ont été passés seront détruits pour en effacer entièrement la mémoire et seront écrits en autre papier;

11) Que la chasse sera défendue à qui que ce soit depuis le 1er mars jusqu'à la mi-septembre, et que fuies et colombiers seront rasés et permis de tirer sur les pigeons en campagne;

12) Qu'il sera loisible d'aller aux moulins que l'on voudra et que les meuniers seront contraints de rendre la farine au poids du blé ;

13) Que la dite ville de Quimper et autres adjacentes seront contraintes par la force des armes d'approuver et ratifier le présent règlement, à peine d'être déclarées ennemies de la liberté armorique et les habitants punis où ils seront rencontrés; défense de leur porter aucune denrée ni marchandise jusqu'à ce qu'ils aient satisfait;

14) Que le présent règlement sera lu et publié aux prônes des grandes messes et par tous les carrefours et aux paroisses et affixé aux croix qui seront posées.

Signé : Torr-e-benn et ses habitants.


Notes et références

  • 9. Le code dit «paysan» (1675) : traduction du breton du"Règlement fait par les nobles habitants des 14 paroisses".
  • 10. Sophie Desplanques, Journaliste "1675. La révolte du papier timbré"